
DANIELLE FUTSELAAR / METI.
Une vue d’artiste de l’exoplanète GJ 273b, où le Meti a envoyé un signal radio composé de 0 et de 1.
Des scientifiques ont envoyé un message dans l’espace (et rêvent d’une réponse dans moins de 25 ans)
Article source : huffingtonpost.fr
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16/11/2017 11:58Le signal, destiné à une hypothétique civilisation extraterrestre, est basé sur une « grammaire cosmique » qui se veut universelle.
ESPACE – « E.T. téléphone maison. » Ou plutôt « E.T. es-tu là? » C’est en substance la question qu’ont posée un groupe de scientifiques et d’artistes, en envoyant un message, un signal radio, dans l’espace. La cible? GJ 273b, une exoplanète située à 12,4 années-lumière de la Terre. La porte à côté, à l’échelle de la galaxie. Une initiative polémique, qui ne manquera pas de faire réagir, même si les chances d’obtenir une réponse sont, au mieux, infinitésimales.
Le Meti, lui, veut passer à la vitesse supérieure. Si l’écoute ne fonctionne pas, pourquoi ne pas essayer de parler? C’est le but de ce message, qui n’est bien sûr pas le premier à être envoyé dans l’espace. Le plus célèbre, et l’un des plus puissants, est celui du télescope Arecibo, propulsé vers l’amas d’Hercule, à 22.000 années-lumière de distance, en 1974.
Il y a pourtant plusieurs choses nouvelles dans cet envoi, fruit de la collaboration entre le festival de musique espagnol Sonar, à l’occasion des 25 ans de l’événement, et le Meti. Si ce message participe, comme les précédents, à une démarche artistique (18 chansons ont été transmises en octobre), il y a une volonté plus scientifique derrière, explique au HuffPost l’astrobiologiste Douglas Vakoch, fondateur du Meti.
Le message envoyé à GJ 273b est un « tutorial mathématique et scientifique », précise cet ancien membre du Seti. Jusqu’alors, les quelques signaux artificiels envoyés dans l’espace étaient basés sur notre alphabet, sur nos musiques, sur nos sens. Ici, le message envoyé utilisé « Lincos », une sorte de « langue cosmique » imaginée par le mathématicien Hans Freudenthal en 1960.
L’idée: le signal radio est conçu comme un dictionnaire abstrait, présentant d’abord notre façon de concevoir les opérations mathématiques les plus simples, avant de se complexifier, petit à petit.
De plus, le message a été répété sur trois jours, pour être certain que d’hypothétiques observateurs lointains ne croient pas à une coïncidence, à un simple « bug », comme ceux qui déçoivent régulièrement les astronomes terriens.
Une réponse rapide, mais très (très) hypothétique
Enfin, l’exoplanète visée, GJ 273b, est l’une des plus proches de la Terre à être considérée comme possiblement habitable. C’est à dire située à la bonne distance par rapport à son étoile pour l’apparition, à la surface, d’eau liquide (essentielle au développement de la vie que nous connaissons).
GJ 273b, qui orbite autour de l’étoile de Luyten est située à 12,4 années-lumières. Cela représente quelque 117.000 milliards de kilomètres. Cela peut sembler gigantesque, mais à l’échelle de notre galaxie, qui fait quelque 1,5 million d’années-lumière, c’est la porte à côté.
« Nous avons choisi l’étoile de Luyten car c’est la plus proche qui peut être ciblée par le transmetteur Eiscat », explique Douglas Vakoch. En effet, Proxima b, l’exoplanète découverte l’année dernière et située à moins de 5 années-lumière, n’est pas visible depuis la Norvège, où se trouve l’antenne utilisée par le Meti.
Il faudra donc 12,4 années au signal (qui voyage à la vitesse de la lumière) pour atteindre GJ 273b. Potentiellement, cela veut dire que si d’hypothétiques extraterrestres écoutaient le message et décidaient d’y répondre, nous pourrions recevoir leur communication d’ici moins de 25 ans.
Sauf que, même Douglas Vakoch le concède, les chances sont infinitésimales. « Pour cela, il faudrait que la galaxie toute entière soit remplie de vie intelligente. Si ce n’est pas le cas, il faudra sonder des centaines, voire des milliers d’étoiles, avant d’avoir une chance réaliste de recevoir une réponse. »
Bouteille à la mer

A laser beam launched from VLT´s 8.2-metre Yepun telescope crosses the majestic southern sky and creates an artificial star at 90 km altitude in the high Earth´s mesosphere. The Laser Guide Star (LGS) is part of the VLT´s Adaptive Optics system and it is used as reference to correct images from the blurring effect of the atmosphere. The picture field is crossed by an impressive Milky Way, our own galaxy seen perfectly edge-on. The most prominent objects on the Milky Way are: Sirius, the brightest star in the sky, visible at the top and the Carina nebula, seen as a bright patch besides the telescope. From the right edge of the picture to the left, the following objects are aligned: the Small Magellanic Cloud (with the globular cluster 47 Tucanae on its right), the Large Magellanic Cloud and Canopus, the second brightest star in the sky.
crédit -ESO
Mais alors pourquoi envoyer une telle bouteille à la mer? « Une seule a peu de chance d’atteindre son public. Mais si vous envoyez des milliers ou des millions de bouteilles, l’une d’elle pourrait bien s’échouer sur une côte cosmique habitée par une civilisation avancée », veut croire Douglas Vakoch.Tous les scientifiques ne sont pas de cet avis, loin de là. « Je trouve que c’est un peu du gadget. La chance d’une réponse est extrêmement faible », estime Jean Schneider, astronome au CNRS. D’abord, car c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais aussi car « même si on utilise un langage mathématiques, cela reste anthropomorphe. On ne sait pas quelle pourrait être la psychologie, la science » d’éventuels extraterrestres, précise-t-il.
Le chercheur privilégie plutôt d’écouter au maximum l’espace, à la recherche de « fuites technologiques, de messages non-intentionnels ». Autre piste prometteuse pour Jean Schneider, qui a mis au point l’un des catalogues les plus complets d’exoplanètes: le projet Starshot de Stephen Hawking, qui ambitionne d’envoyer de minuscules vaisseaux vers des exoplanètes proches. Une « démarche d’explorateurs ».
Le risque d’une réponse
Jean Schneider ne veut pour autant ni décourager, ni interdire ce genre d’initiative. Ce qui n’est pas le cas d’autres scientifiques. Depuis que le Meti a annoncé qu’il comptait tout faire pour contacter d’hypothétiques extraterrestres, en 2015, des voix se sont élevées contre cette idée.
Un débat qui peut se résumer ainsi: si nous envoyons des messages dans l’espace, nous signalons notre présence à de potentielles civilisations avancées, sans rien savoir d’elles. Et si des aliens à la technologie avancée envahissaient notre monde en remontant à l’origine du message? C’est un peu ce que redoute Stephen Hawking.
L’astrobiologiste Dirk Schulze-Makuch affirme lui que les conséquences de ce genre de message sont si grandes que l’envoi d’un tel signal devrait faire l’objet d’un débat citoyen et ne pas être simplement décidé par « un petit groupe de scientifiques« .
Si Douglas Vakoch aimerait que l’ONU « mette en place une grande discussion internationale sur la question », il estime pourtant qu’en attendant, les scientifiques « ont la responsabilité d’encourager cette discussion« . Le Meti avait ainsi évoqué la question lors de différentes conférences cette année.
Ce qui n’empêche pas l’organisation de continuer à lancer ses bouteilles à la mer. En avril, une nouvelle salve de signaux sera envoyée vers GJ 273b. D’autres planètes proches, comme Ross-128b, découverte récemment, seront également visées.
Et pour Douglas Vakoch, même si ces messages restent sans réponse, le fait d’arriver à réussir un tel projet, qui se pense sur des décennies, voire des siècles, sera déjà une victoire pour une « humanité qui n’est pas très forte pour agir sur du temps long« .
Mise à jour Area 51 blog-le 21-11-2017 à 13h10